GOLF DE RHUYS KERVER : DES GREENS SOUS LE NIVEAU DE LA MER

LE TELEGRAMME 16/08/2017

Faire un golf en zone submersible ? Impensable aujourd’hui. Et pourtant, celui de Kerver a été réalisé sur des marais, à un niveau bien inférieur aux plus hautes mers. C’était il y a 30 ans. L’installation de vannes a permis sa préservation. Michel Allanic, l’homme qui a mis au point ce système, se souvient.

Comment a démarré ce projet ? 

Il date de 1985-1986. Il faisait partie du plan « 1.000 golfs » lancé par François Mitterrand, qui était lui-même golfeur et souhaitait démocratiser ce jeu. Ces projets ont été inscrits dans des contrats de plan État-Région et plutôt bien financés. Le Crouesty se réalisait à l’époque avec le souhait d’annexer un terrain de golf à la nouvelle station touristique. Il n’y avait pas d’autre situation que dans les marais, à Kerver.

Le pari avait été donc pris de le faire en zone submersible ? 

On savait effectivement que la zone était submersible. Ces marais se trouvent à l’arrière de dunes, cinq à six mètres plus bas que le niveau supérieur des grandes marées. Ces marais avaient été utilisés par des agriculteurs pour y faire du foin et n’étaient plus entretenus.

Quelle a été la suite ?

Le projet a été proposé en 1986 et il est passé en Commission des sites. Ça n’a pas été tout de même très simple. L’autorisation a finalement été donnée, moyennant une interdiction de toucher au relief hormis pour faire un départ (1), duquel on puisse voir la mer et qui est resté le seul endroit du golf où l’on a la vue sur l’océan.

Comment se sont faits les travaux ?

C’était la SAM (Société d’aménagement du Morbihan) qui portait le projet. Un architecte avait été nommé et le chantier a commencé alors qu’on n’avait pas réglé le problème hydraulique. La mer remonte en effet dans deux étangs aux grandes marées où arrivent aussi les eaux pluviales. Eau de mer, plus eau douce, avec cette addition le golf ne pouvait que s’ennoyer une bonne partie de l’année et devenir impraticable.

Comment a-t- on résolu le problème ? 

Je suis arrivé en septembre 1987 à la SAM. J’étais à l’époque ingénieur hydraulicien à la DDA (2) et je me suis trouvé aussi en charge du projet du Crouesty dont le golf faisait partie. Un mois plus tard, en octobre, c’était le fameux ouragan. Tout ce qui avait été entrepris était dévasté. On a alors tout remis à plat. J’ai monté un modèle hydraulique qui consistait à faire deux grands vannages fonctionnant en même temps et qui sont asservis aux marées. Quand la mer monte, on ferme les vannes. Quand le niveau de la mer baisse, on ouvre pour permettre à l’eau douce de s’évacuer.

Ce système est toujours en place ?

Toujours. Il fonctionne automatiquement avec actuellement un pilotage informatique. Sans cela il n’y aurait pas de golf. Il reste tout de même un problème pour lequel on recherche une solution : l’arrivée des algues rouges qui peuvent former un bouchon à l’entrée des vannes. Il faut y veiller de près.

Quand le golf a-t- il ouvert ?

Il a fallu revoir l’architecture du projet. Des fossés avaient été faits partout, ce qui ne facilitait pas la pratique du jeu, surtout pour des débutants. J’ai repris le dossier avec un architecte paysagiste de Josselin. On a pu ouvrir en partie en 1988.

Il a fallu aussi trouver une solution pour l’arrosage ? 

Ce golf a pour autre particularité de reposer sur deux types de sol : du sable et de l’argile. Au début, on a fait sans arrosage. Mais en été, l’herbe sur les parties sableuses était complètement calcinée. La solution est venue de la réutilisation de l’eau de la station d’épuration de Saint-Gildas, avec la création d’un stockage pour filtrer l’eau, la désinfecter. Un procédé qui a encore été amélioré et qui présente, en plus, l’avantage en été de ne pas faire d’évacuation en mer, puisque l’eau traitée est réutilisée sur le golf. Il faut d’ailleurs préciser, qu’actuellement, aucun golf dans le Morbihan n’utilise de l’eau potable du réseau pour l’arrosage.

L’opération a été rentable ?

Elle a été payée par l’opération du Crouesty et le golf a été vendu par le Département en 2009. On a aujourd’hui un golf naturel, donnant sur la mer, avec des étangs où viennent les oiseaux. C’est un endroit d’une grande quiétude, sans constructions autour. Un site extraordinaire. (1) Le départ 12. (2) Direction départementale de l’agriculture.

Golf de Kerver. Des greens sous le niveau de la mer
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